Connaissez-vous le Grand Défi Pierre Lavoie ? Ce défi regroupe plusieurs événements sportifs qui encouragent les Québécois à adopter de saines habitudes de vie afin que les choix santé deviennent la norme pour les générations futures. Derrière ce Grand Défi, il y a un homme, grand lui aussi. Grand par ses accomplissements sportifs, son soutien pour la recherche sur les maladies orphelines et surtout, par son grand coeur. Pierre Lavoie est en effet triple champion du monde du triathlon le plus difficile au monde, l'Ironman d'Hawaï, il est également le cofondateur du Grand Défi et...papa ! Malgré les épreuves bouleversantes de sa vie personnelle, il a toujours relevé les défis qui lui ont fait face. Son histoire exceptionnelle est un exemple de résilience, de courage et de force de caractère.

À 53 ans aujourd'hui, Pierre Lavoie n'en a pas fini avec les défis. Il s'entraîne actuellement pour participer à l'édition 2018 de l'Ironman d'Hawaï : 3,8 km de natation, 180 km de vélo et 42,2 km de course à pied ! Cette discipline nécessite endurance physique, un mental à toute épreuve et beaucoup de travail. D'après Pierre Lavoie, ses origines y sont pour quelque chose : « Ce qui faut savoir, c'est que je viens de l'Anse-Saint-Jean, un petit village de bûcherons. Mon arrière-grand-père était bûcheron, mon grand-père était bûcheron, mon père était bûcheron et mon frère était bûcheron ! C'est important, parce que ça a déterminé mon caractère. C'est pour ça que je suis travaillant. Je ne fais jamais les choses à moitié. Ce tempérament de m'entraîner fort, il donne des résultats, et ça, tu peux l'appliquer à ta vie aussi. »

Alors qu'il a 12 ans, ses parents divorcent et il quitte son Anse-Saint-Jean natale pour vivre avec sa mère, ses frères et sa soeur à La Baie. « J'ai été élevé dans un HLM avec une mère monoparentale qui a 4 enfants. On apprend à survivre, on apprend que la vie c'est pas facile, on a des rêves comme tout jeune. Moi, je rêvais de jouer au hockey, ma mère n'avait pas les moyens de me payer l'équipement ni les moyens de m'inscrire dans un club », se confie-t-il. Pierre Lavoie grandit donc dans un milieu défavorisé, où il est difficile de bouger, et à 14 ans, comme tous les jeunes de son quartier, il commence à fumer.

À ce moment-là, il est difficile d'imaginer que ce jeune homme deviendra un jour multiple champion du monde de triathlon. D'autant plus qu'à l'école, les cours de sport ne lui réussissent pas : « Comme beaucoup de jeunes au Québec, j'ai été dévalué au primaire pendant des "perfs" qu'on faisait, et où on déterminait les meilleurs qui méritaient une médaille. C'est un programme fédéral où les jeunes qui sautaient plus loin, qui couraient plus vite et qui performaient dans ces genres d'épreuves gagnaient des médailles d'excellence. Moi, j'étais le pire pour courir de l'école, même mes cousines couraient plus vite que moi ! » À cause de cette évaluation, Pierre Lavoie pensera longtemps qu'il n'est pas bon en sport : « Toute ma jeunesse, j'ai cru que je n'étais pas un grand sportif parce que je ne courais pas vite. Ces tests-là m'ont brimé et briment encore beaucoup de jeunes au Québec ».

Fumeur et peu actif, Pierre Lavoie mène une vie sédentaire jusqu'à ses 21 ans. Sa rencontre avec Lynne, qui deviendra sa conjointe, fut déterminante : « Lynne a un mode de vie sain. Pour elle et sa famille, la santé, c'est important. Avec elle, mon mode de vie a changé, il y a eu un virage vers la santé ». Au même moment, le sport vient amplifier ce changement, grâce notamment à Denis, le frère de Lynne : « Denis est très sportif. Il nage, il fait du ski de fond, il fait du vélo et c'est un peu lui qui m'a influencé. Mes premières courses à pied, je les ai faites avec lui. Ma belle-famille a eu une grosse influence sur mes habitudes et sur mes changements comportementaux », dit-il.

C'est donc à 21 ans que Pierre Lavoie commence à courir, à pédaler et à faire du triathlon : « Quand j'ai décidé de faire du vélo et de la course, je le faisais pour les bonnes raisons. Je le faisais pas pour les médailles, je le faisais pour maintenir mon corps en santé ». C'est d'ailleurs pour ça qu'au Grand Défi, le cofondateur souhaitait qu'il n'y ait pas de "chrono" : « Je ne voulais pas reproduire ce que j'avais vécu à l'école. Le but est que ce soit un événement démocratique, inclusif et éducatif. Il ne faut pas discriminer les jeunes, ne pas les évaluer. Il faut les faire bouger pour les bonnes raisons : maintenir leur corps en santé. »

Lorsque Pierre Lavoie commence à s'entraîner, il sent rapidement qu'il a des qualités athlétiques en endurance, épreuve complètement différente des tests de vitesse qu'il faisait au primaire. Pour sa première participation à un triathlon, Pierre termine dans les derniers. Il en garde cependant un très bon souvenir : « J'ai eu une satisfaction inouïe quand j'ai franchi la ligne, même si j'étais dans les derniers. J'avais réussi l'épreuve ! », se remémore-t-il. Petit à petit, une passion pour le triathlon vient s'installer, ainsi qu'un désir de performer. En 1992, tous les entraînements et les efforts de Pierre sont récompensés. Il remporte l'une des courses les plus exigeantes physiquement au monde, l'Ironman d'Hawaï, et toute la notoriété qui vient avec une telle prouesse.

Parallèlement à sa vie de sportif, l'homme de fer, désormais connu et reconnu dans le monde du triathlon, découvre les joies de la paternité. En 1991 d'abord, avec la naissance de Bruno-Pierre, un beau bébé en pleine santé, puis en 1993 avec la naissance d'une petite fille, Laurie. Malheureusement, quatre ans plus tard, Laurie est emportée par la maladie, l'acidose lactique, une maladie héréditaire surtout présente au Saguenay-Lac-Saint-Jean. À ce moment-là, Pierre se sent impuissant face à la situation : « Lorsqu'elle décède à l'âge de quatre ans, je me dis, est-ce que j'aurais pu aider ma fille ? Non, je ne pouvais pas l'aider ». Quelques années plus tard, c'est la naissance de Raphaël, leur troisième enfant qui est lui aussi atteint d'acidose lactique : « Quand Raphaël est venu au monde avec la même maladie, je savais qu'il allait mourir, mais là il fallait que je trouve une solution. C'est l'instinct de survie. J'ai réalisé que je n'étais pas médecin, ni généticien, ni homme d'affaires pour récolter des fonds. Mais j'étais un athlète, puis j'avais un vélo et j'allais m'en servir ».

C'est armé de tout son courage, son abnégation et sa force de caractère que Pierre Lavoie décide de se servir de sa notoriété pour livrer bataille contre cette maladie et faire avancer cette cause qui en avait tant besoin. Il crée le Défi Pierre Lavoie et parcours 650 km en vélo en 24 h pour récolter des fonds. En 2003, grâce à ses efforts, l'équipe de chercheurs qu'il a mis sur pied découvre le gène responsable de l'acidose lactique, ainsi qu'un test de dépistage quelque temps après. Une belle découverte pour la science et une belle victoire pour Pierre Lavoie : « On me demande souvent de quelle médaille je suis le plus fier. J'en ai gagné partout dans le monde, j'ai fait des centaines de courses. Mais ma plus belle victoire, c'est la découverte du gène responsable de l'acidose lactique en 2003. Elle n'était pas facile, on l'a obtenue grâce à une vision puis à des actions. »

Peu de temps après, en 2004, une autre victoire attend Pierre Lavoie : « Cette maladie nous a enlevé deux enfants, après toute la bataille que j'ai livrée contre elle, le financement puis la découverte du gène, j'ai pu avoir un 4e enfant en pleine santé. Elle s'appelle Joly-Ann. Aujourd'hui, c'est un petit cadeau du ciel. C'est ma victoire à moi sur cette maladie ». Mais Pierre Lavoie ne s'arrête pas là. Le Saguenéen au grand coeur a toujours eu le besoin d'aider son prochain, un altruisme qu'il tient de sa mère : « Toute sa vie, ma mère a aidé les gens. Je l'ai pris d'elle, ça, ce côté partage, aider les autres et surtout les plus faibles, ceux qui en ont vraiment besoin ». C'est ainsi qu'en 2007, avec son ami Germain Thibault, il décide de s'attaquer, selon ses mots, « au vrai problème qu'est la sédentarité » et lance le Grand Défi Pierre Lavoie.

L'objectif du Grand Défi est de changer la culture en santé au Québec. Selon Pierre Lavoie : « Au Québec, on a une culture santé qui est curative. On mange mal, on fume, on bouge pas, mais on se dit que ce n'est pas grave. C'est pas la fin du  monde, on guérit ! Il faut changer ça ». La logique est simple, prévenir plutôt que guérir : « Tout est parti de mon fils et de cette grande frustration que les maladies génétiques orphelines du Québec, il y en a 850 au Québec comme l'acidose lactique, sont oubliées du système de santé qui est organisé et préoccupé à essayer de guérir des maladies que l'on pourrait prévenir par nos comportements », dit-il. L'ancien fumeur a pleinement conscience des difficultés à changer les habitudes de vie : « J'ai fumé pendant 7 ans, c'est très difficile d'arrêter. Il ne faut pas croire que c'est facile de faire du sport quand on ne l'a jamais fait non plus ».

Malgré tout, il garde l'espoir qu'un jour cela change, et pour cela, il compte énormément sur l'éducation : « L'idée, c'est de l'éduquer aux enfants. Il faut aller dans les écoles dans l'espoir qu'ils se tourneront vers de saines habitudes de vie pour changer la culture en santé au Québec. Un jour, on arrivera à un point de rupture, un point de bascule où la société aura changé. Ce sera normal pour une personne de bouger pour maintenir son corps en santé, ce sera normal pour un employeur d'avoir un programme santé, ce sera normal pour une ville de créer un environnement favorable pour que les citoyens puissent bouger. »

En attendant ce jour, Pierre Lavoie travaille fort. Le Grand Défi, c'est 11 millions de dollars de budget provenant à 90 % d'entreprises privées, un vrai modèle d'entrepreneuriat social. La fondation du Grand Défi Pierre Lavoie finance la recherche sur une vingtaine de maladies génétiques orphelines au Québec (600 000 $ en 2016) ainsi que des infrastructures sportives des écoles primaires défavorisées (3,2 millions $ en 2016). Avec le Grand Défi, Pierre Lavoie a créé des programmes et des événements qui permettent aux Québécois et Québécoises de bouger, autant les enfants que les adultes. 450 000 personnes se sont mobilisées en 2016.

Cette année, ce sera la 9e édition du Grand Défi. Pierre Lavoie se remémore la genèse de cet événement, là où tout a commencé : « Le 3 septembre 1999, ce jour-là, mon fils Raphaël est dans mes bras, Lynne est à mes côtés et quand je regarde derrière moi, il n'y a personne. Il y a quelques personnes en avant de moi, les amis, notre famille. Aujourd'hui, quand je me tourne, je regarde derrière moi, il y a une armée. Le changement vers de saines habitudes de vie, je ne suis plus tout seul à l'incarner ! Maintenant, il y a des milliers de personnes au Québec qui l'incarnent. Ce dont je rêvais, c'était créer une armée pour nourrir un mouvement qui ne s'arrêtera jamais, qui ne fera que grandir. »

L'homme de fer invite d'ailleurs tous les Lavallois et Lavalloises à participer : « J'invite tous les gens de Laval à embarquer dans le mouvement et venir faire la boucle du Grand Défi. Sinon, il y a la grande marche du Grand Défi du centre Bell en octobre, je serais bien content de les voir ! »