Le 4 novembre dernier, le Service de police de Laval (SPL) a livré un mémoire et un témoignage à la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs à Québec.

Le document déposé devant les parlementaires siégeant sur la commission rappelle que pour construire une personne prostituée adulte, il faut tout d’abord détruire un jeune.

Mise sur pied cet automne, cette commission veut établir un portrait détaillé de l’exploitation sexuelle des mineurs au Québec, afin de mieux y lutter. Les participants ont un an pour suggérer des solutions réalistes au gouvernement.

Le SPL s’est exprimé au nom des autres groupes régionaux du Programme prévention jeunesse de Laval et cosignataires du mémoire intitulé Un écosystème composé de victimes, d’abuseurs et d’exploiteurs - Un transfert de responsabilité doit s’opérer.

Cette position fait état de trois ans de recherches, d’analyses, d’expériences et de réflexions. Le Programme prévention jeunesse de Laval arrive à la conclusion qu’une banalisation complète de l’exploitation sexuelle dans la société engendre la problématique.

Un changement de mentalités doit s’opérer
Pierre Brochet, directeur du SPL, a pris la parole devant la commission. Selon lui, les victimes ne se perçoivent pas toujours ainsi et craignent souvent de dénoncer les agresseurs.

« En dépit des moyens de persuasion et de sécurité déployés par tous les intervenants pouvant venir en aide aux victimes, la peur et le refus de collaborer l’emportent souvent. Faute de preuves indépendantes, il devient impossible d’aller plus loin dans un processus légal », mentionne M. Brochet. « Si ces jeunes ne se voient souvent pas comme des victimes, c’est qu’il y a aussi une normalisation dans nos communautés de ce qu’on appelle à tort l’industrie du sexe. Mais dans notre vision, les corps et les personnes ne peuvent pas, ni être ni devenir, des objets de transactions commerciales, pas plus qu’un produit d’une quelconque industrie », ajoute-t-il.

En 2016, dans le cadre d’une opération policière organisée par le SPL, des dizaines d’hommes ont été arrêtés. Aucun d’entre eux n’a semblé montrer de nervosité en entrant dans une chambre où se tenaient des jeunes. Ils étaient même excités. Il n’y a aucun profil distinctif de la clientèle qui sollicite des services sexuels auprès des mineurs. Ce sont des hommes qui proviennent de toutes les classes sociales, de tous âges, mariés, célibataires, etc. La seule chose qu’ils ont en commun est d’avoir l’impression qu’en payant, ils peuvent abuser du corps d’une personne mineure.

Pour faire évoluer les choses, il faut responsabiliser l’agresseur de la gravité de ses actes. Au Québec, le nombre de transactions sexuelles est estimé annuellement à près de 2 600 000, soit 7 000 par jours (estimations conservatrices qui pourraient être plus élevées).

Des orientations claires
Comme pour la violence conjugale et l’alcool au volant, il y a une campagne de communication auprès de la population pour contrer le message normatif de l’exploitation sexuelle sur les mineurs. Au-delà de cela, il doit y avoir une stratégie nationale permanente qui rendra odieux, intolérable et criminel d’acheter les services sexuels d’un mineur. Le changement d’acceptabilité sociale diminuera la demande, car ce n’est pas l’offre qui crée la demande, mais bien la demande qui crée l’offre.

Le programme soutient qu’il doit y avoir une action concertée gouvernementale dans une perspective plus large de prévention, d’éducation et de sensibilisation, dont un travail terrain intensifié des intervenants, ainsi qu’une formation spécifique des acteurs socio-judicaires afin de faire vivre des orientations communes. Le comportement éthique des lieux (milieu hôtelier et locatif) où cette exploitation prend part doit également être surveillé de près.

Le mémoire déposé́ est soutenu par ces organisations :
  • Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de Laval
  • Centre intègré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval
  • Mesures alternatives jeunesse (MAJ) de Laval
  • Service de police de Laval
  • Centre d’interventions en délinquance sexuelle (CIDS)
  • Collège Montmorency
  • Commission scolaire de Laval (CSL)
  • Ville de Laval
  • Travail de Rue Île de Laval (TRÎL)

Pour en savoir davantage :
www.laval.ca/Pages/Fr/Nouvelles/microsite-police/depotdumemoire.aspx
www.laval.ca/Documents/Pages/Fr/Nouvelles/microsite-police/depotdumemoire/Memoire_ExploitationSexuelle2019.pdf