En regardant l’histoire du Canada, combien de pionniers noirs canadiens qui ont changé notre façon de penser au Canada pouvons-nous nommer ? Pour Dorothy Williams, elle espère qu’un jour, la perception qu’ont les gens de la façon dont les Canadiens noirs ont contribué à ce pays changera.

Willams, 62 ans, qui a grandi dans la région de la Petite-Bourgogne à Montréal, est une historienne qui s’intéresse plus particulièrement à l’histoire des Noirs au Canada. Diplômée d’un baccalauréat en histoire à l’Université Concordia et d’une maîtrise en histoire à l’Université McGill, Williams a publié trois livres au fil des ans : : Blacks in Montreal: 1628-1986, rédigé en 1989 et consacré au racisme sur le marché du logement, The Road to Now : A History of Blacks in Montreal, publiée en 1997, et la traduction de Blacks in Montreal connue sous le nom de Les Noirs à Montréal, Essai de démographie urbaine, en 1998. Depuis lors, elle a complété un doctorat en bibliothéconomie et sciences de l’information (2006) et une maîtrise (2010) à McGill. Elle a également créé Blacbiblio.com inc., une bibliothèque en ligne qui enregistre « la présence historique des Noirs au Canada ». Pour Williams, c’est avant tout pour cela qu’elle est devenue historienne : elle voulait donner une voix aux Noirs canadiens et une place dans notre histoire.

« Plus j’en apprenais sur l’expérience des Canadiens noirs, plus j’étais intriguée par la raison pour laquelle nous ne l’enseignions pas à l’école et par la raison pour laquelle nous ne parlions pas de la présence des Noirs dans ce pays », explique Williams.

Williams a mentionné que les gens sont souvent choqués quand on parle de figures historiques canadiennes dans notre histoire parce que beaucoup supposent qu’il n’y en a tout simplement pas.

« Il n’est pas inhabituel de penser que les Noirs n’ont été là que depuis 40 ou 50 ans. Les gens sont assez surpris lorsqu’on parle de leur ancienneté et de leur contribution à la construction du pays », a déclaré Williams.

Williams espère que l’histoire des Noirs au Canada fera éventuellement partie du programme scolaire. « Les [Noirs] ont été littéralement effacés des livres d’histoire, comme si nous n’existions pas du tout », dit Williams. « En n’en parlant pas, vous ne faites que perpétuer les stéréotypes, les distorsions et les fausses représentations des gens et la réalité de la race noire hors du pays. »

Williams ajoute que le problème tient en partie au fait que la plupart des universités canadiennes n’ont pas de programme d’études afro-canadiennes, contrairement à leurs voisines situées au sud de la frontière.

« Vous avez de vrais érudits aux États-Unis qui dirigent des départements [et] qui mènent en réalité des recherches très approfondies et une compréhension régionale ou nationale », explique-t-elle. « Comme on me l’a dit, il y a des années, “vous ne pouvez pas obtenir un poste d’enseignant d’histoire afro-canadienne, alors n’essayez pas. ” »

Est-ce que quelque chose a changé pour les Canadiens noirs et comment ils ont été traités au fil des ans ? Williams constate certains progrès, reconnaissante à la Commission des droits de la personne du Québec dont le travail vise à protéger les droits des minorités visibles. Par exemple, son premier livre examine la façon dont les Canadiens noirs se voyaient souvent refuser la possibilité de louer ou d’acheter une maison simplement parce qu’ils étaient noirs. Selon Williams, grâce à la Commission des droits de la personne du Québec, cette situation est aujourd’hui beaucoup moins tolérée.

« Les possibilités de logement sont meilleures parce que nous avons eu suffisamment de préséances devant les tribunaux contre les propriétaires refusant de louer aux Noirs », a déclaré Williams. « Vous voyez des Noirs dans des endroits que vous n’auriez jamais vus auparavant. »

Pour Williams, toutefois, outre la nécessité d’enseigner aux enfants l’histoire des Noirs, le fossé salarial entre les Noirs et le reste du pays demeure un problème majeur. En fait, selon une étude menée par l’Université McGill en 2010, bien que de plus en plus de Noirs soient devenus bilingues et aient achevé des études supérieures depuis 1996, le taux de chômage reste disproportionné entre les Noirs et les non-Noirs (13,4 % contre 6,6 %). En outre, une étude de Statistique Canada publiée en 2011 a également conclu que « les Noirs de deuxième génération font face à un écart salarial d’environ 10 à 15 % par rapport aux minorités non visibles », a rapporté le Globe and Mail.

« Nous sommes toujours surreprésentés dans les emplois peu rémunérés. Les Noirs qui ont un baccalauréat au cours de leur carrière ne gagneront probablement pas beaucoup plus que beaucoup de Blancs ayant obtenu leur diplôme d’études secondaires », explique Williams. « Nos perspectives de travail ne semblent pas être beaucoup mieux que lorsque je suis née. »

Viola Desmond, qui est maintenant le nouveau visage de notre billet de 10 dollars, constitue un pas dans la bonne direction en matière d’éducation. Williams espère que davantage de Canadiens apprendront l’importance des Canadiens noirs au Canada et que d’autres progrès se poursuivront au cours des prochaines années. 

Traduit par Emmie Wesline