Une adolescente perfectionniste en quête de minceur. Ce portrait revient souvent lorsqu’on parle d’anorexie et de boulimie. Pourtant, les troubles de l’alimentation se conjuguent de plus en plus au masculin et couvrent un spectre bien plus large.

La détresse et les comportements alimentaires excessifs peuvent toucher autant les garçons que les filles.Dr Howard Steiger, chef du continuum des troubles de l’alimentation de l’Institut Douglas du CIUSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, a pu constater cette augmentation dans plusieurs études externes: « Dans la littérature scientifique en général, il y a une augmentation plutôt du côté de la boulimie », décrit-il.

Janique Migneault-Raymond, responsable de la ligne d’écoute d’Anorexie-Boulimie Québec (ANEB Québec), observe elle aussi que de plus en plus de jeunes garçons font appel à l’organisme pour de l’aide: « On peut se demander s’il y a plus d’hommes qu’avant qui en souffrent ou si on est en train de briser le stéréotype comme quoi les troubles alimentaires sont des maladies de femmes. Donc, de plus en plus d’hommes vont chercher de l’aide. Je penche plus vers cette option. »

Selon les données fournies par ANEB Québec,  5 à 10% des cas d’anorexie sont des hommes et pour la boulimie, les chiffrent tournent autour de 10 à 15%. Si on se penche du côté de l’hyperphagie, « une prise importante et compulsive de nourriture » telle que décrite sur le site d’ANEB Québec, on parle de 2 hommes pour 3 femmes.

Les troubles alimentaires se vivent-ils différemment pour un garçon que pour une jeune fille ? « Il arrive que les préoccupations sur le plan de l’image corporelle soient différentes, mais les raisons qui poussent le jeune à développer un trouble alimentaire sont les mêmes », explique Mme Migneault-Raymond.

Les causes des troubles de l’alimentation sont multiples et comme le soulève Dr Steiner, elles sont moins collées à l’obsession de la minceur qu’on le pensait. D’autres facteurs comme l’environnement social, la génétique et une vulnérabilité émotionnelle ont un impact important. Une fois que ce terrain fertile est présent, des actions excessives reliées au poids et à l’alimentation viennent servir de déclencheur.

Ici, le déclencheur n’est pas toujours un régime amaigrissant. On observe aussi des troubles alimentaires non spécifiés où l’intention n’est pas d’avoir un corps frêle. Par exemple, la « bigorexie », qui n’est pas officiellement reconnue pour le moment, est souvent décrite comme de l’anorexie inversée, une obsession de la prise de muscles.

Une étude menée par l’Université du Minnesota en 2012 affirme que parmi les garçons de l’échantillon, plus du deux tiers ont déjà modifié leur alimentation pour augmenter ou tonifier leurs muscles et près de 90% dit faire plus d’exercice dans le même but. 

Devant la popularité de la musculation et des sports comme le crossfit, comment distinguer la passion de l’obsession ? «  Il faut réagir si cela prend trop de place dans la vie personnelle et émotionnelle. Dès que c’est drastique, c’est un signal d’alarme », rappelle Dr Steiner.

En tant que parent, professeur ou entraineur, on peut percevoir ce type de comportement chez un jeune. Janique Migneault-Raymond conseille de mettre l’accent davantage sur l’état et les motivations de l’individu plutôt que le comportement. Au lieu de dire: « Arrête de t’entraîner », on peut tenter de savoir si tout va bien à l’école ou si le jeune vit une difficulté à la maison.

Mme Migneault-Raymond souligne que parfois, il est un peu difficile pour son équipe de venir en aide à un jeune garçon via la ligne d’écoute. Encore aujourd’hui, ils n’expriment pas aussi facilement leurs émotions: « On sent qu’ils sont moins intéressés à parler de leurs émotions. Ils veulent la marche à suivre et des conseils, mais nous, on veut amener le garçon à vivre davantage ses émotions ».