Raed Béchara connaît bien le parcours d’un immigrant qui quitte son pays natal et rêve d’une vie meilleure. C’est le parcours que sa famille a emprunté lorsqu’elle est venue de Syrie en 1987.  

Alors âgé de 16 ans, Raed Béchara est si impatient de communiquer avec ses compatriotes d’adoption qu’il met dix mois pour apprendre le français. Quelques années après, il entreprend des études au Cégep Montmorency, puis il est accepté en biochimie à l’Université de Montréal.  

En 1997, il s’associe au propriétaire d’Industrie de palettes Standard (IPS), dont il devient l’unique dirigeant en 2007. En 20 ans, IPS a vu sa production croître de 3 000 à 65 000 palettes par semaine et le nombre d’employés passer de 12 à 44. Toutefois, trouver ces employés n’a pas été facile.  

Alors qu’il manque de main-d’œuvre, il entend parler de l’intention du gouvernement fédéral de faire entrer au Canada des immigrants syriens. «  J’y ai vu une opportunité réciproque qui me permettrait d’une part de régler mon problème et, d’autre part, d’offrir un emploi à ces gens qui ne sauraient pas trop comment s’orienter une fois arrivés au pays  », explique-t-il.  

IPS compte aujourd’hui douze immigrants syriens à son emploi, francisés au sein même de l’entreprise. Le président-directeur général d’IPS choisit alors de s’inspirer de son expérience personnelle: «  Comme je suis passé par là, je sais que si je n’avais pas été francisé comme il faut, je ne serais pas où je suis aujourd’hui. C’est un élément essentiel pour une bonne intégration. Certains sont d’avis qu’un emploi et l’argent règlent tous les problèmes, mais je ne suis pas de cet avis. Je crois que ça prend les deux », dit-il.  

À raison de quatre heures par semaine, sur deux jours non consécutifs, la salle de formation infirmerie d’IPS se transforme en salle de cours où les employés syriens reçoivent l’enseignement d’un professeur de français. Durant les heures de travail, les immigrants syriens peuvent mettre leurs connaissances à l’épreuve auprès des employés francophones, à l’aide d’un petit lexique qui renferme des phrases et des mots clés employés régulièrement dans le quotidien de la compagnie.  

Raed Béchara aura tôt fait de rassurer les employés qui craignaient de perdre leur emploi au profit des nouveaux arrivants et de faire valoir les avantages d’investir dans la francisation de cette nouvelle main-d’œuvre. Ce sont par ailleurs des employés ponctuels, assidus au travail et respectueux, ce qui a une influence positive sur les autres employés. «  On a besoin de cette main-d’œuvre et il faut l’intégrer correctement  », insiste-t-il.  

L’arrivée d’employés immigrants sous-entend qu’on devra peut-être interagir avec des individus qui auront vécu des drames et subi des traumatismes psychologiques, mais Raed Béchara était préparé à tout cela.  

Tout cela implique un investissement de temps et de ressources, mais « c’est un investissement direct dans l’entreprise  », affirme Raed Béchara. Pour lui, c’est aussi une façon de redonner ce qu’il a reçu.