Il y a quelques mois, Denise Bombardier lançait son autobiographie intitulée Une vie sans peur et sans regret. Au cours de sa longue et prolifique carrière, Denise Bombardier a enfilé plusieurs chapeaux : journaliste, romancière, productrice, comédienne, essayiste et animatrice de télévision. Pour la première fois, elle nous permet de lire les coulisses de sa vie.

Une parvenue
Dès la première page, nous sommes percutés par la justesse de ses propos. « Je suis une parvenue au sens propre du terme. Issue d’un milieu modeste, culturellement pauvre, j’ai gravi l’échelle sociale en ayant accès à l’éducation », écrit-elle. Malgré une enfance difficile, très tôt dans sa vie, Denise Bombardier a reçu le support de sa mère et de ses tantes. Avant même de commencer l’école, sa mère l’inscrit à un cours de diction. Le fait de parler un « beau français » la distinguait dans le milieu culturellement pauvre dans lequel elle a grandi. « J’ai été forgée par ma mère et par mes tantes. J’ai été bercée par l’amour de mes tantes, ces femmes qui n’avaient pas d’enfants », dit-elle.

Cet ouvrage se lit comme un hommage à l’éducation. Tout a commencé par son cours de diction qui la différenciait des autres filles de sa classe. Ayant dû travailler très jeune, Bombardier a toujours entretenu sa passion pour le savoir et les connaissances. L’éducation était pour elle un moyen de s’élever, de sortir de sa zone de confort et de se dépasser. En 1964, elle obtient un baccalauréat en arts, suivi d’un baccalauréat en sciences politiques en 1968, une maîtrise en sciences politiques en 1971 et un doctorat en sociologie en 1974.

« Je suis une parvenue. Je suis parvenue là où je suis. Quand on parvient quelque part, ça veut dire qu’on a travaillé, qu’on a eu la volonté, et qu’on a eu des écueils. Il n’y a pas de succès sans écueils », explique Bombardier.

Ses mémoires
Une vie sans peur et sans regret est un projet qui a pris un an à se réaliser. Bombardier consacrait six à sept heures par jour à l’écriture, à la main, de cet ouvrage. « “Je me souviens”, la devise du Québec, a toujours guidé ma vie », écrit-elle. Écrire ses mémoires était sa manière de se souvenir. Raconter sa vie n’a pas été une tâche facile. « J’ai laissé remonter à la surface ce que la mémoire m’a permis de me rappeler. Pour bien raconter les émotions, il faut les revivre. Je les ai retrouvées en moi », dit-elle. Ne laissant rien derrière, Bombardier n’a pas eu peur de retourner jusqu’au tout début pour mieux expliquer sa vie.

« Après avoir laissé ma mémoire ressurgir à travers ce livre, il apparaît clairement je crois que ma vie a toujours été inscrite dans un espace de liberté, que j’ai entretenu, protégé, cajolé même. Cette liberté, je l’exerce malgré les frontières, les obstacles et la peur qu’elle suscite », écrit-elle vers la fin de son ouvrage. La liberté est un concept que Bombardier évoque beaucoup. Elle avoue avoir eu la chance de pouvoir avoir la liberté d’exercer le métier qu’elle a voulu. Au cours de sa carrière, l’auteure a eu l’occasion de côtoyer des gens exceptionnels comme Daniel Johnson, Brian Mulroney, René Levesque, Robert Bourassa, Dany Laferrière, Marguerite Youcenar, et Pierre Eliott Trudeau. Ses personnalités et ses figures sont toutes racontées dans ses mémoires. Férue de la politique, la journaliste est reconnaissante de ses opportunités. Les émissions qu’elle animait étaient souvent définies par sa personnalité comme Entre les lignes, L’envers de la médaille, et Noir sur blanc entre autres. Elle avoue avoir eu confiance en ses capacités. « Le journalisme m’a donné accès aux grands de ce monde, côtoyés en éprouvant souvent de l’admiration, parfois de la déception, mais toujours en réussissant à conserver une distance critique à leur égard », raconte Denise Bombardier.

Véritable défenseure de la langue française, la journaliste est également l’auteure de plus d’une vingtaine d’ouvrages. Bombardier ne tient pas pour acquis son talent pour les mots. « Parler ou écrire pour ses pairs est un luxe d’universitaire, » écrit-elle. En plus d’être une auteure publiée, Bombardier rédige encore aujourd’hui pour la presse écrite. Au cours de sa carrière, ses articles sont apparus dans des publications comme Le Monde, Le Devoir, L’Express, Châtelaine, Le Point, l’Actualité, et Le Journal de Montréal. « Je suis obsédée par la mémoire, parce que si on n’a pas de mémoire, on n’existe pas », dit-elle. Des générations plus tard, on se souviendra de Denise Bombardier !

Unique en son genre
Il n’y en a pas deux comme Denise Bombardier. Elle a été la première femme à avoir animé une émission d’affaires publiques. Elle a tracé un chemin que plusieurs autres femmes ont eu la force de traverser. Militante pour les causes du féminisme, Bombardier avoue avoir littéralement pris la place des hommes. Souvent comparée à Judith Jasmin, son parcours a été solitaire. Avant la solidarité féminine, il y avait de la compétition au travail. « Souvent seule femme dans un monde d’hommes, j’ai refusé — par tempérament — de jouer à la victime. Car une victime n’a d’autre avenir que son bourreau. Or personne ne devait freiner ma rage de vivre », écrit-elle. « En tant que femme, j’ai réussi à briser des plafonds de verre et lutté à ma façon, en solitaire, contre d’autres femmes parfois, l’amitié et la solidarité étant à la merci de nos propres contradictions. Les femmes ne sont pas les uniques dépositaires de la vertu. »

Pour ce qui a trait au féminisme, la situation est particulière au Québec selon Bombardier. « Ce que les Québécois ne savent pas, c’est qu’il a moins de plafonds de verre à briser qu’ailleurs. Le féminisme est très avancé et les hommes sont très féministes au Québec. Mon parcours, je l’ai fait seule. Je suis une “lone wolf”. Je ne suis pas quelqu’un d’équipe », dit-elle.

Elle dédie ses mémoires à Rose-Éléonore, sa petite-fille née le 15 mai 2017 durant sa période d’écriture. Quand on lui demande quels conseils elle donnerait à sa petite-fille, voici sa réponse qui s’adresse à toutes les femmes : « Il ne faut pas croire que nous sommes des victimes ni se mettre dans un statut de victime. Nous n’avons pas à expliquer nos difficultés à faire ou à réaliser des choses. Ne soyons pas des victimes des tyrannies de nos enfances. N’ayons pas de regrets. Les regrets empoisonnent la vie et nous empêchent de vivre. Il faut également maintenir une relation de confiance avec les hommes. Les héros ne courent pas les rues, mais beaucoup sont des gens de bonne volonté et des gens honnêtes. Il faut savoir les identifier et leur faire confiance. »

Ce livre est un chef d’œuvre, c’est l’histoire de Denise Bombardier, mais aussi l’histoire du Québec de la part d’une amoureuse du Québec. Elle nous détaille autant ses expériences que les climats du Québec de la Révolution tranquille à la crise d’octobre de 1970 en passant par les référendums de 1980 et de 1995.

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